"Sounds Hair", une exposition à la découverte de la spiritualité brésilienne

À l'occasion du Black History Month ayant lieu au mois de mars, la Maison des initiatives étudiantes (MIE), au 76 bis rue de Rennes, accueille l'exposition "Sounds Hair" ("Le son des cheveux"). L'artiste brésilienne Janice Mascarenhas nous partage ses œuvres mettant en valeur le cheveu afro-américain en mêlant esthétique et symbolique.

Janice Mascarenhas © twitter @brownskinjanice


Janice Mascarenhas est une jeune artiste "from favela", selon sa présentation sur Instagram, née dans les quartiers pauvres de Rio de Janeiro, au Brésil. Familiarisée au travail du cheveu par sa mère, elle commence à se professionnaliser dans ce domaine en 2016. C'est grâce à un journal brésilien qui la nomme parmi les 21 artistes les plus connus de l'année 2021 qu'elle parvient à toucher un public plus large. Après une exposition à Berlin, elle inaugure en ce moment sa première exposition à Paris.


Une réflexion sur le temps, sur la vie et sur la spiritualité


Le hall d'entrée de la MIE accueille quatre grandes images de femmes de couleur coiffées de façon travaillée, ainsi qu'une installation composée de sable, de pierres, de tresses pendantes vers le sol et d'un écran sur lequel plusieurs coiffures apparaissent sur fond coloré. Les quatre images ont été réalisées à l'aide de différents modèles assemblés par une intelligence artificielle et ne sont donc pas des photographies. Les coiffes sur l'écran sont bien réelles mais animées au sein d'un montage vidéo avec un effet futuriste. Janice Mascarenhas cherche à mêler l'histoire et la technologie : "le futur provient du passé", selon elle. 

Exposition “Sounds hair” Janice Mascarenhas, © Eloïse Brethes



La symbolique du passage du temps est présente également dans sa matière première, qu'est le cheveu : "les cheveux représentent le passage entre la vie et la mort", explique-t-elle. La curatrice, Varvara, précise que les cheveux sont "la liaison entre le ciel et la terre" car ils représentent "des antennes qui touchent les énergies les plus hautes", quand les pieds touchent le sable et les pierres. Les œuvres de Janice Mascarenhas relèvent d'une culture spirituelle importante, liée aux croyances vaudoues de sa communauté : "mes recherches sont basées sur l'histoire et la mémoire de mes ancêtres", énonce-t-elle. "J'ai tellement confiance dans le pouvoir de communication des cheveux", ils sont ainsi le moyen de lier l'histoire et la technologie, les ancêtres et les jeunes générations, la vie et la mort. Enfin, travaillant aussi en collaboration avec la Fashion Week, l'esthétique est également recherchée dans son art.

“Les cheveux représentent le passage entre la vie et la mort” Janice Mascarenhas

La production de l'exposition par une association étudiante

Exposition “Sounds Hair” Janice Mascarenhas, © Eloïse Brethes


L'exposition "Sounds Hair" a vu le jour grâce à la collaboration de l'artiste avec l'association "Hansy Bonne Compagnie" et plus largement la Blossom Talent Agency. Hansy Ondo Obiang, fondateur d'Hansy Bonne Compagnie, a permis la mise en relation de Janice Mascarenhas avec la ville de Paris et a pris en charge la communication, la logistique ainsi que les éléments techniques du projet d'exposition. Son association est à l'origine spécialisée dans la production musicale, mais une collaboration avec une chanteuse brésilienne lui a fait découvrir le travail artistique de Janice Mascarenhas. "Curieux de cette culture brésilienne", il a imaginé sa première production d'exposition. La collaboration entre l'artiste et Hansy se renouvelle en juin et en septembre 2023 pour de nouvelles expositions à Paris.



Le projet d'Hansy a commencé en 2018 lorsqu'il a créé un compte Instagram appelé "Le copain de l'étudiant". Il cherchait à partager les astuces et bons plans qui lui avaient permis de s'intégrer et de découvrir des événements culturels, étant arrivé à Charleville-Mézière depuis le Gabon seulement quelques années auparavant. Découvrant la nécessité de "répondre à un besoin de communication", il souhaite se "mettre au service des autres". L'association grandit rapidement et un cadre juridique est créé lui permettant de s'établir jusqu'en Belgique, au Luxembourg et à Paris. Aujourd'hui composée pour les trois quarts d'étudiants, l'objectif de l'association est d'aider les jeunes musiciens à produire leur musique et de faire découvrir les Ardennes à travers ses jeunes talents. 


La valorisation du cheveu africain-américain, un mouvement international

L'exposition "Sounds Hair" s'encadre dans un mouvement plus large de mise en valeur de la coupe de cheveux naturelle africaine-américaine, notamment avec le phénomène "Nappy" ("Natural and Happy") sur les réseaux sociaux. Ce mouvement identitaire ne s'arrête cependant pas à l'expression artistique ni aux réseaux sociaux. Le Crown Act 2022 vient d'être adopté pour la deuxième fois par la Chambre des représentants américaine. Afin qu'il soit adopté au niveau fédéral, c'est maintenant au Sénat de donner son avis. "Crown Act" signifie "Create a respectful and open world for natural hair" ("Créer un environnement respectueux et ouvert pour les cheveux naturels"). Cette loi interdisant les discriminations liées à la coupe de cheveux est déjà adoptée dans plusieurs États américains.

Une étude d'août 2020 de l'école de commerce Fuqua de l'université de Duke (Caroline du Nord) démontre que les femmes africaines-américaines subissent des discriminations à l'embauche si elles laissent leurs cheveux à l'état naturel, d'où la volonté des États-Unis de légiférer pour réduire cette discrimination. Elles paraissent en effet "moins professionnelles que les femmes noires aux cheveux raides", d'après la traduction de l'étude par Alice Sangouard pour le Huffington Post. "Les cheveux [n'étant] pas simplement des cheveux", la population africaine-américaine requiert un droit de porter ses cheveux au naturel sans subir de discriminations.

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