Emmanuel Macron, une pratique du pouvoir pas si démocratique
L’irruption des réseaux sociaux dans la vie politique en a transformé la communication. De la surutilisation de Twitter par Donald Trump à la communication actuelle des hommes et femmes politiques, les méthodes peuvent être semblables. L’évolution de la communication politique du président Emmanuel Macron et de son gouvernement ces dernières années souligne l’importante place prise par les réseaux sociaux dans la fabrique de l’opinion publique, mais questionne également le fonctionnement démocratique des instances politiques françaises.
Une nouvelle façon de faire de la politique
Depuis sa première campagne présidentielle, Emmanuel Macron veut révolutionner la façon de faire de la politique : éclatement des blocs gauches-droites, réformes institutionnelles… Cette révolution s’opère aussi dans la communication : vocabulaire des startup et utilisation des réseaux sociaux.
Si en 2017, la présence du président de la République sur les réseaux sociaux est limitée aux félicitations, messages de soutien ou encore informations sur son action gouvernementale. Emmanuel Macron à rebrand son image de marque, selon le vocabulaire qu’il affectionne. Une étape stratégique importante pour un candidat devenu président, qui passe par les réseaux sociaux. Le président multiplie sa présence sur ces derniers : TikTok, Instagram, Snapchat, ou encore YouTube. Une volonté de la part du premier personnage de l’Etat de se montrer plus proche du peuple. C’est aussi le symbole de cette “nouvelle façon de faire de la politique”, de “dépoussiérer la politique”, le président se présente comme un président jeune, dynamique, en lien avec son époque. Cependant, les codes des réseaux sociaux, incitant à la proximité avec le public, sont éloignés de l’image jupitérienne qu’entretient Emmanuel Macron. On observe une tentative de modification de cette image, notamment quand on se souvient de la vidéo du président avec les Youtubeurs Mcfly et Carlito, qui avait fait 18 millions de vues.
Un affaiblissement voulu du “quatrième pouvoir”
C’est en novembre 2022 que l’on pourrait dater le glissement anti-démocratique de la communication politique sur les réseaux sociaux. En marge de la COP 27 à Charm El Sheik, Emmanuel Macron demande aux internautes de lui poser des questions au sujet de l’écologie. Pour cause, il compte répondre à ces questions dans trois vidéos. Si certains y voient un nouveau coup de communication pour toucher une audience plus jeune. D’autres analysent le danger de ce type de vidéo. Ici, sous couvert de démocratie : il a demandé au “peuple”, de choisir lui-même les questions, en évitant les plus complexes par exemple. De plus, il “peut asséner ce qu’il veut dans ses vidéos, il n’y a pas de spécialiste du sujet pouvant dire que c’est faux”, explique Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Panthéon-Assas. Emmanuel Macron se montre ouvert au dialogue en choisissant des questions plutôt critiques, cependant avec une vidéo scriptée et sans contradicteur.Ainsi, il peut présenter une réalité dans laquelle il devient le héros de l’écologie. Or, et comme l’ont montré de nombreux médias, notamment Reporterre, France Info ou Blast, des propos faux et des contres vérités, ce n’est pas ce qui manque dans ces vidéos.
Alors qu’Emmanuel Macron s’est toujours montré défiant envers la presse, limitant les accréditations pour l’Élysée, multipliant les déclarations off (off the record), il semble vouloir court-circuiter les médias. Il évite ainsi le débat démocratique et choisit son propre agenda sans prendre en compte l’opinion publique. En se cachant derrière la pseudo démocratie des réseaux sociaux, c’est finalement la démocratie qui est en jeu alors même que les candidats populistes ne font que monter dans les sondages.