Conflit autour d’Hogwarts Legacy : Les raisons de l’appel au boycott

À l’approche de la sortie du jeu vidéo développé par le studio Avalanche Software prenant place dans l’univers d’Harry Potter, une part des influenceurs et internautes appelle à ne pas acheter ni partager le titre. Quelles sont les raisons de cet appel au boycott ?

 Le 5 février 2023, la streameuse Veronica « Nikatine » Replay annonce par un communiqué sur Twitter qu’elle suspendra son activité sur la plateforme de streaming Twitch pour une durée indéterminée. La raison : dans le contexte de la prochaine sortie du jeu vidéo Hogwarts Legacy : L’héritage de Poudlard, la plateforme diffuse pendant ses streams des spots publicitaires promouvant le jeu. Campagne publicitaire à laquelle elle ne veut pas prendre part, appelant elle-même au boycott de l’achat et du partage de ce titre en raison de son lien avec l’autrice anglaise J.K Rowling, accusée de transphobie sur les réseaux et les médias.

Cela fait plus d’un an maintenant que la grogne monte sur les réseaux sociaux, principalement Twitter, autour de ce nouveau jeu se déroulant dans l’univers d’Harry Potter ; univers créé par les livres de l’autrice britannique J.K Rowling. Mais la tension autour de ce sujet n’a jamais été aussi forte alors que la date de sortie du jeu prévue pour le 10 février approche à grand pas. En effet, les internautes et influenceurs s’écharpent sur la question du boycott ou non du titre, en raison de son lien évident avec l’autrice à succès et des propos transphobes qu’elle a pu tenir sur les réseaux depuis 2019.

Il est notamment reproché à l’autrice d’avoir soutenu en 2019 Maya Forstater, une jeune femme dont le contrat de travail n’a pas été reconduit au motif qu’elle tenait des propos transphobes sur les réseaux sociaux. Après ça elle se moque en 2020 de la périphrase « personne qui ont leur règles », critiquant la décision de ne pas utiliser le terme « femme » afin d’inclure les personnes transgenres. En 2022, elle s’oppose alors à une proposition de loi écossaise de Nicola Sturgeon pour faciliter le changement d’État civil pour les personnes transgenres, car cela irait au détriment des femmes cisgenres cherchant de l’aide en surchargeant la capacité d’accueil de ses services. Au final, c’est une campagne ouvertement TERF (Transgender Exclusionary Radical Feminist – Féministe excluant les femmes transgenre de leur lutte pour l’égalité des droits) qu’elle mène grâce à son argent et son influence offerte par le succès de sa licence.

Pour autant, jamais l’autrice n’a fait l’objet de poursuite judiciaire ou de condamnation légale pour transphobie. Alors ce scandale n’est-il que limité au microcosme de Twitter ? Non. Suite à ces déconvenues répétés, une partie de l’opinion publique concernée par ces questions d’identités, s’est indéniablement retournée contre elle. En première ligne les acteurs principaux des films adaptés de ces livres : Daniel Radcliffe (Harry Potter), Emma Watson (Hermione Granger) et Eddie Redmayne (Norbert Dragonneau) qui en réponse à un de ces tweets ont réaffirmé leur soutien à la communauté trans et ont déclaré être désolé pour les propos qu’elle pouvait tenir et s’en détacher. Autre exemple, le 1er janvier 2022, la chaîne HBO organise un grand évènement pour fêter les 20 ans de la saga Harry Potter… sans inviter sa créatrice. Même réaction du côté du jeu vidéo Hogwarts Legacy quand, en juillet 2022, David Haddad, directeur générale de la Warner Bros qui possède les droits d’édition de la licence, publie un communiqué déclarant : « Nous souhaitons rappeler que J.K. Rowling n’est pas directement impliquée dans le développement du jeu. Nous ajoutons même qu’il sera possible, dans Hogwarts Legacy, d’utiliser des options inclusives, permettant la création de personnages trans. Nous allons rester concentrés sur le jeu que nous avons construit et sur l’excellent travail du studio Avalanche. Nous voulons que tous ceux qui aiment l’univers d’Harry Potter puissent aimer ces histoires et ces personnages. »

Les appels au boycott n’ont pas pour seule raison l’origine de la licence exploitée. C’est dans la production même du jeu que de nouveaux facteurs aggravant peuvent être trouvés. Peu de temps avant la sortie du jeu des internautes ont révélé que Troy Leavitt, Lead Designer du projet – un des plus haut poste de décision dans la chaîne de production d’un jeu vidéo – était réputé pour ses positions réactionnaire, suprémaciste et mysorine qu’il affichait en public sur sa chaîne YouTube (toujours ouverte actuellement), ainsi que pour sa participation au Gamergate, une campagne de harcèlement massive en août 2014 s’en prenant aux femmes de l’industrie du jeu vidéo. Suite aux protestations des internautes Troy Leavitt a été conduit à quitter le projet. Pourtant, son influence dans le produit final n’est pas négligeable et un autre élément reste alarmant : avant de quitter son poste, l’intéressé a annoncé sur les réseaux qu’il avait fait savoir à la direction du studio ses opinions politiques qu’il ne cachait pas, leur montrant même le contenu de sa chaîne, ce qui n’a pas découragé les dirigeants à le maintenir à son poste jusqu’à ce que le scandale n’éclate.

Enfin, dernière révélation en date qui insurge les militants pro-boycott : la participation au doublage originale de l’acteur Greg Ellis, un militant pro-Trump antiféministe, condamné pour violence domestique et interdit de fréquenter ses enfants, qui endosse le doublage de douze personnages dans le jeu, et qui remercie dans un tweet publié le 7 février 2023 le studio pour lui avoir permis de travailler ces trois dernières années sur le projet, avant de féliciter JK Rowling pour sa création. L’autrice en question l’a d’ailleurs remercié pour son soutien.

Il est important de conclure en rappelant que toute ces controverses paraissant bruyantes pour ceux y prenant part, ne représentent pas du tout l’avis majoritaire du public, en témoigne le succès déjà monstre du jeu. Le 7 février, soit trois jours avant sa sortie, dans le cadre de l’accès anticipé, c’est 1,25 million de spectateur qui se sont rassemblés sur Twitch pour voir les premiers influenceurs jouer en avance au jeu. Le jeu trônait également sur la première place du podium des précommandes de la plateforme Steam, premier site de vente de jeux PC. Enfin, le jour de sa sortie, le même site enregistre un pic de 807 000 joueurs en simultané, le projetant immédiatement à la seconde place de ce classement, seulement battu par Cyberpunk 2077 qui avait atteint 1,05 million. Tout en rappelant que les royalties versées à J.K Rowling seront proportionnel aux ventes du jeu exploitant son univers, pour un pourcentage non révélé au public. Que ce soit pour le studio ou pour l’autrice, le succès est au rendez-vous.

Crédits photos

Photo 1: Boycotting Hogwarts Legacy over JK Rowling’s transgender comments won’t achieve much – but it’s no surprise fans are considering it | The Independent Hogwarts Legacy: l’Héritage de Poudlard est un jeu vidéo se déroulant dans l’univers créé par l’autrice J.K. Rowling © Portkey Games/Getty

Photo 2: J.K. Rowling accusée de transphobie : les acteurs de Harry Potter lui répondent (journaldesfemmes.fr) De gauche à droite Daniel Radcliffe, Emma Watson et Eddie Redmayne, acteurs des films de la saga du Wizarding World ayant pris position contre les propos de J.K. Rowling © Joel C RyanAPSIPA - UPIABACA - Marechal AuroreABACA

Photo 3: J.K. Rowling sur Twitter : "I read my most recent royalty cheques and find the pain goes away pretty quickly. https://t.co/s4gl9rlqxl" / Twitter L’autrice répondant à une ancienne fan en colère en raison de ses prises de paroles transphobes, le 13 octobre 2022 (Twitter)


 

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