Rentrée littéraire 2022 : Deux secondes d’air qui brûle, Diatty Diallo 

« C'est une fois en la présence des agents que les gars captent qu'ils vont devoir se justifier, encore, sur ce qu'ils font de leur existence à ces dépositaires qui ne les valident pas par principe. Depuis le temps, on a évidemment appris à exécuter les ordres sans faire de commentaires pour que ça aille plus vite, poursuivre la fête ou rentrer chez nous. »

©Seuil


La police tue. 

Dans le premier roman de Diaty Diallo Deux secondes d’air qui brûle, la police tue Samy.  Elle tue le jeune frère de Chérif, durant un contrôle d’identité qui tourne mal.  Une bavure supplémentaire, celle de trop peut-être. 

Samy, Demba, Astor, Chérif, Issa et les autres se connaissent depuis toujours, ils ont grandi ensemble dans le quartier des pyramides. Le roman décrit ceux qui habitent le béton, ceux qui habitent ces tours « tellement grandes qu’on ne peut en contempler les toits que lorsqu’on s’y trouve », mais aussi ce qu’il s’y déroule. Il raconte avant tout un espace, un lieu, entre le sol, les sous-sols et les toits, entre Paris et la banlieue. 

Mais ce roman raconte aussi celles et ceux qui l’occupent Les protagonistes ont tout fait ensemble, les soirées sur des parkings, les Chichas, les premiers contrôles de police, les barbecues, les rodéos urbains, les premières amours, les énièmes contrôles de police.  C’est dans leur univers que nous plonge l’écrivaine durant 176 pages. Avec une écriture hachée et incisive, Diaty Diallo nous immerge dans une banlieue où la narration d’un quotidien banal oscille sans cesse entre poésie et violence. À l’instar des textes de rap que l’on retrouve tout au long du roman (Jul, PNL, Ninho, 13 block et j’en passe), l’écriture est d’une justesse et d’une spontanéité sans pareille, restituant à la perfection l’oralité des expressions à l’écrit. 


À l’heure où les œuvres littéraires et cinématographiques (Athéna) fantasmant la banlieue se multiplient, Deux secondes d’air qui brûle se démarque par la puissance de son propos. Il n'y a aucune tentative d'explication ou d'analyse. Aucune idéalisation de la banlieue. Aucun postulat de départ, aucune critique exprimée, juste un récit factuel qui dénonce une situation de tension permanente menant inéluctablement vers une issue fatale, la mort de Samy. 

Deux secondes d’air qui brûle, c’est le livre coup de poing de cette rentrée littéraire, à lire et à relire. 


Disponible aux éditions du Seuil, Fiction et Cie, Deux secondes d’air qui brûle, 176 pages, 17,90€

Précédent
Précédent

Canada ou la loi de l’apartheid

Suivant
Suivant

Les serial killers : entre fascination et exploitation commerciale