La place des femmes trans dans le sport féminin

Le militantisme féministe est historiquement fait d’oppositions et de controverses doctrinales. Souvent centrées sur les sujets glissants de la prostitution au port du voile, c’est aujourd’hui la question trans qui anime les oppositions entre féministes. S’il est difficile de réduire cet ample débat à «la question trans», on peut néanmoins distinguer une nette opposition entre les féministes dites maladroitement «trans-activistes» et les féministes dites «TERF», c’est à dire «Trans-exclusionary radical feminism».

Pour ces féministes «radicales», les luttes trans invisibiliseraient les luttes pour les droit des femmes. Cette conception est qualifiée d’essentialisante et de transphobe par les femmes trans et activistes cisgenres. C’est très vite que le débat a été porté dans le milieu sportif.

L’APPARITION DU DÉBAT DE LA PLACE DES FEMMES TRANS DANS LA COMPÉTITION SPORTIVE

La question des femmes trans dans le sport, bien que médiatiquement effacée, se pose régulièrement dans les milieux féministes et sportifs. Traditionnellement, les fédérations et compétitions sportives imposent une division sexuée de leurs participants, sur le fondement de l’écart naturel de force entre les hommes et les femmes.

Dans les années 1980, quand les femmes transgenres, dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, se sont inscrites dans des compétitions sportives en tant que femmes, a émergé un débat sur leur inclusion dans le sport féminin, milieu peu inclusif aux normes inadéquates.

La participation des femmes transgenres est présentée comme une forme de concurrence déloyale dans les compétitions, et à l’origine d’une transphobie normative croissante.

À l’origine de nombreuses controverses, la participation des femmes transgenres est alors présentée comme une forme de concurrence déloyale dans les compétitions, et à l’origine d’une transphobie normative croissante.

© Photo Dan Mullan/Asiapac/ Getty Images/AFP. Laurel Hubbard est une haltérophile néo-zélandaise. Sélectionnée pour les Jeux olympiques d'été de 2020, elle devient la première sportive trans à concourir aux Jeux.

LA POSITION CONTESTÉE DU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE

Dès 2003, le Comité International Olympique prend position et décrète que les femmes trans peuvent concourir dans les sports féminin dès lors qu’elles respectent 3 conditions cumulatives, se basant sur la prénotion qu’une femme trans accomplit aurait réalisé des changements anatomiques. Il énonce que tous ces changements anatomiques doivent être achevés et être reconnus par les autorités compétentes. Les athlètes doivent aussi supprimer leur taux de testostérone en suivant un traitement strict et contraignant.

L’enjeu est alors réduit au placement du curseur entre deux piliers idéologiques du monde sportif: l’inclusivité et l’équité.

Le CIO, dans un rapport officiel de 2015 déclare qu’ «Il est nécessaire de s'assurer du mieux possible que les athlètes trans ne sont pas privés de l'opportunité de participer à des compétitions sportives. L'objectif sportif primordial reste de garantir une compétition loyale». Très vite, des sportives cis-genres se sont opposées à ces nouvelles normes, appelant parfois même au boycott de certaines compétitions.

En 2021, l’ancienne n°1 mondial de tennis Martina Navratilova, affirme, dans une tribune publiée dans Times, que la participation des femmes transgenres aux compétitions féminines constitue de la tricherie et de l’injustice. À la suite de l’indignation de sportives en réaction à ses propos transphobes et à la désolidarisation de certains de ses sponsors, Navratilova a fini par présenter ses excuses publiquement le 4 mars dernier.

L’enjeu est alors réduit au placement du curseur entre deux piliers idéologiques du monde sportif: l’inclusivité et l’équité.

L’AVANTAGE DES ATHLÈTES TRANS, UN MYTHE ?

Les questions d’équité soulevées s’appuient donc unanimement sur des considérations d’ordre biologique essentialisantes, que la physicienne médicale et conseillère du CIO Joanna Harper, conteste. Elle explique que les performances des femmes trans ne sont pas systématiquement supérieures à celles des autres femmes, puisque les avantages liés au fait d’être née homme disparaissent après la thérapie hormonale. Aussi, le sujet du taux de testostérone concerne toutes les femmes. C’est le cas de Caster Semenya, athlète sud-africaine constamment discréditée en raison de son hyperandrogénie (taux naturellement élevé de testostérone).

Pour la fédération internationale d’athlétisme, ces femmes sont clairement avantagées dans leurs performances sportives. L’instance propose ainsi d’instaurer des taux de testostérone limite, pour « protéger la compétition libre et équitable ».

Une seule solution est alors possible: faire baisser ce taux par des traitements hormonaux lourds. Cette solution à un problème d’équité se heurte indéniablement à des considérations éthiques.


« Pour devenir un bon athlète, il faut bien plus qu’un haut niveau de testostérone, une grande taille ou de grands pieds, qui peuvent tous être considérés comme un avantage génétique », conclut la professeure Cara Tannenbaum. Elle souligne ainsi que le problème d'équité lié au taux de testostérone élevé est à relativiser. Selon elle, il serait instrumentalisé pour disqualifier d'office les sportives trans. Cette question suscite néanmoins un v if débat qui semble encore grand ouvert.

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