Entretien avec Driss Lumbrosso, réalisateur de clips
À preque trente ans, Driss Lumbroso accumule les casquettes. Premier assistant réalisateur, directeur de production ou encore plus récemment réalisateur. On peut voir son travail dans le clip Dans la savane de DTF ou encore Blanka et Au Dd de PNL. Pour permettre d’en savoir plus sur lui et son métier, il a accepté de nous accorder un entretien.
Victoire : Bonjour Driss, alors présente toi, tu fais quoi dans la vie ?
Driss Lumbroso : Bonjour, je m’appelle Driss Lumbroso, 30 ans le mois prochain. Je suis né à Paris où j’ai grandi les dix premières années de ma vie puis j’ai vécu dix ans à Valence avant de revenir sur la capitale depuis 10 ans.
Dans la vie je suis principalement premier assistant réalisateur et directeur de production et depuis deux ans, bientôt trois, je suis en train de passer le gap de devenir réalisateur. En ce moment, je jongle un peu entre les trois professions. Et en fonction de ce qu’on me propose je suis assistant réalisateur, réalisateur ou directeur de production.
V: En quoi consiste chacun de ces trois métiers ?
DL : Rapidement, réalisateur c’est ce qui va être le poste le plus connu de tout le monde. On écrit un scénario - évidemment cela change si on fait de la PUB, du clip ou de la fiction. Mais concentrons-nous sur la fiction.
En France, dans la fiction on promeut pas mal le film d’auteur, donc on écrit un film qu’on réalise après. La réalisation, enfait, ça comprend la globalité, la création de l’univers. Grosso modo c’est toi qui crée l’univers que tu veux voir à l’image,l’histoire que tu veux raconter. Une fois sur le tournage lorsque tout est validé en amont, et que t’as déterminé la démarche à suivre, si tout se passe bien, tu es censé pouvoir te concentrer sur la direction des comédiens et sur ce que tu vois dans le cadre. Un réalisateur, après avoir le scénario, il va écrire le découpage technique (le document qui reprend tous les plans du film.
En France, dans la fiction on promeut pas mal le film d’auteur, donc on écrit un film qu’on réalise après. La réalisation, en fait, ça comprend la globalité, la création de l’univers. Grosso modo c’est toi qui crée l’universque tu veux voir à l’image, l’histoire que tu veux raconter.
Assistant réalisateur, on arrive après l’écriture du scénario. On va gérer globalement l’organisation du tournage, mais pas de la logistique pure : les hôtels, les restaurants, les déplacements. On va plus être à l’intérieur de la logistique de mise en scène. On va gérer l’ordre de tournage des séquences, les convocations des équipes, on va estimer les temps de préparation et de tournage de chaque plan, de chaque séquence et ainsi de suite. On va finir par déterminer en combien de temps le film se fait et à partir de là l’organisation générale pour optimiser le temps.
Directeur de production, on arrive après l’écriture du scénario. On va déterminer le budget en dépouillant le scénario - donc combien de comédiens on a besoin, de combien de figurants, de combien de temps on a besoin pour tourner ; on est plus sur un travail de production, comme son nom l’indique, et donc gérer le budget et on est garant de la partie financière du film.
V : Qu’est ce qui te plais le plus parmi ça ?
DL : La réalisation puisque c’est ce vers quoi j’oriente ma carrière. À l’origine, j’ai suivi une formation d’assistant réalisateur. Je suis devenu directeur de production parce que j’ai commencé régisseur. Je suis devenu régisseur général puis je suis passé directeur de production.
Par la suite, à force de prendre la tête à mes producteurs en leur disant que j’étais assistant réalisateur de formation et pas directeur de production, j’ai réussi à obtenir un travail de premier assistant réalisateur *rires*.
V : Justement, qu’est ce que tu as suivi comme cursus, c’est quoi ta formation ?
DL : J’ai fait une école de cinéma durant trois ans qui s’appelle le CLCF (Conservatoire Libre du Cinéma Français). C’estune école de cinéma assez classique. Elle a la particularité d’avoir 3 spécialisations en 3eme année : Assistant réalisateur/scripte, Monteur, Scénariste. Elle a été parrainée par Marcel Carné en 1963. J’y ai appris beaucoup de choses. Après, ça reste une école de cinéma donc tout dépend de ce qu’on en fait. Si on veut ne rien faire et être au fond de la classe pour 8000€ par an, on peut.
J’ai travaillé dans une usine pour payer mes études, je faisais six mois de l’année à l’usine et six mois en cours, donc quand j’étais en classe ce n’était pas pour rien faire.
V : Est-ce que tu as déjà travaillé sur des films, courts ou longs métrages, où pour l’instant tu te concentres uniquement sur les clips ?
DL : La dernière fiction que j’ai réalisée date de mes études. Pour l’instant, en réalisation, je n’ai été que sur clip. Récemment j’ai travaillé sur une publicité, enfin plus une vidéo fiction pour une marque de casque qui n’est pas encore sortie avec MHD.
Mais sinon que du clip. Par ailleurs, c’est vrai que j’ai fait une école de cinéma, pas de clip, donc il y aura un moment où j’aimerai basculer à nouveau vers de la fiction.
V : Sur la réalisation de clips, c’est toi qui choisis avec qui tu collabores ?
DL : En général, tu es approché par l’artiste. Ça dépend aussi de ton réseau au début. Par exemple, j'ai été premier assistant réalisateur sur les clips de PNL. DTF est venu me voir en me proposant d’être leur premier assistant réalisateur. Je leur ai dit que je voulais passer réalisateur. Ils m’ont ouvert grand la porte, en disant « aucun problème on fait les clips ensemble », ils sont co-réal donc les clips sont réalisés à trois.
V : Et le fait est que les clips sont supers, Dans la savane, c’est vraiment génial.
DL : Ce qui est cool avec Sami et Karim, c’est qu’on s’est connu avant de travailler. À l’époque où je travaillais chez QLF ils étaient toujours là en train de préparer leur précédent album. On a noué une amitié à ce moment-là.
On est parti ensemble en Jamaïque pour le clip de Blanka. On a vécu des aventures, c’était naturel de travailler ensemble.
On est parti ensemble en Jamaïque pour le clip de Blanka. On a vécu des aventures, c’était naturel de travailler ensemble. Certes, on a eu des divergences d’opinion, mais c’est ça qui participe à la co-réal et qui fait que les clips sont ce qu’ils sont. On a tous les trois notre vision et on finit par regarder dans la même direction à un moment et c’est ce qui est beau.
V : Quand tu collabores avec des artistes comme ça, c’est toi qui t’adaptes à leur univers ou tu as une liberté totale ?
DL : À ce niveau là, avec DTF c’était vraiment chan-mé, on était tous les trois au même niveau. C’est plutôt cool de leur part. D’autant plus que c’est leur argent, ils pourraient me dire qu’ils font ce qu’ils veulent. Mais malgré tout, il y avait une volonté de leur part de dialoguer donc on a vraiment créé un clip à trois. On pouvait discuter des tenues par exemple ;s’ils se voyaient habillés en noir, moi en blanc… On échange nos points de vue, on discute, ça donne lieu à des débats à partir desquels on avance et on crée ensemble.
Avec DTF c’était vraiment chan-mé, on était tous les trois au même niveau. C’est plutôt cool de leur part. D’autant plus que c’est leur argent, ils pourraient me dire qu’ils font ce qu’ils veulent. Mais malgré tout, il y avait une volonté de leur part de dialoguer donc on a vraiment créé un clip à trois
Il ne faut pas oublier aussi que c’est eux qui sont dans le clip, s’ils ne se sentent pas à l’aise ou qu’ils n’ont pas envie de jouer quelque chose ça ne va pas être beau et ça va se voir à la caméra. On est là pour se faire kiffer même s’il y a des moments qui sont plus difficiles parce qu’on est dans le froid, en altitude ou dans la jungle, il faut que la personne se senteà l’aise, ne serait-ce que pour le spectateur. On écrit aussi dans l’univers de l’artiste pour faire quelque chose qui peut matcher avec lui. Si ce que fait l'artiste ne me plaît pas, je ne vais pas y aller (tourner avec lui).
V : Concernant le cinéma et ce que tu aimerais faire tu peux nous dire ce que tu envisages. Tu comptes faire des longs-métrages, courts métrages, documentaires ?
DL : Alors ce qui m’intéresse c’est la fiction plus que le documentaire. Après le documentaire c’est quelque chose que j’adore. En première année au CLCF, on avait fait presque que du documentaire et c’était très intéressant. Mais dans l’idée ce que je veux faire c’est de la fiction. J’aimerai finir d’écrire un court métrage, essayer de le faire produire puis de le faire réaliser et pourquoi pas voir si on en fait un long métrage ou si on part sur autre chose. Pour l’instant c’est encore de l’ordre du rêve.
Là où je pense que j’ai de la chance c’est que le fait d’être assistant réalisateur ou directeur de production m’a permis de voir des réalisateurs travailler et m’en imprégner. Quand je suis directeur de production et que je vois un assistant réalisateur qui a une méthode de travail qui me plaît, je vais m’en inspirer pour quand je serais assistant réalisateur. Ce sont des petites choses qui permettent de s’améliorer. Exemple : Quand je suis réalisateur, c’est généralement Mathieu Perez qui est mon assistant réalisateur, j’ai vu son plan de travail que j’ai adoré et maintenant quand je suis assistant réalisateur j’utilise son document. Ça me permet d’essayer de m’améliorer à chaque projet.
V : Le clip, tu y es arrivé par hasard ?
DL : Ça serait mentir que de dire que la musique ne m’intéresse pas. Je ne connais personne qui n’aime pas la musique. En fait, j’ai débuté sur des pubs, et il faut savoir que les réseaux pub/clip et cinéma sont distincts. Ceux qui m’ont rappelé faisaient de la pub et des clips. C’est parce qu’ils m’ont rappelé et recommandé que j’ai débuté dans un clip. Il y a ton supérieur qui monte hiérarchiquement et qui t’emmène avec lui.
Quand j’étais régisseur, le régisseur général avec qui je bossais est devenu directeur de production et il m’a appris le métier de régisseur général. C’est tout aussi avantageux pour lui parce que ça lui permet d’avoir quelqu’un qu’il connaît, qu’il a formé, qui bosse comme il aime. J’ai eu de la chance de travailler avec Grégoire Ohnet qui m’a fait passer régisseur général, puis j’ai découvert Arthur Catton qui est était directeur de production sur le clip des passantes de Charlotte Abramow – avec qui je travaille toujours – et il m’a demandé de devenir directeur de production sur un projet et il m’a appris le métier. Quelques mois plus tard, quand je lui ai dit que je bossais en tant que premier assistant réal, c’est lui qui m’a mis sur Au DD.
V : T’as kiffé Au DD ?
DL : C’était une très belle expérience. C’est le moment où tout le monde fait corps pour aller dans la même direction et tusens que t’es en train de faire un truc qui est assez dingue. Tout le monde se mobilise, c’est une vraie équipe, c’est plus qu’un seul corps qui bouge, chacun sait ce qu’il a à faire et ça file.
On a l’habitude de bosser avec les mêmes personnes et ça reste un souvenir que tu garderas toujours. T’étais avec ces mecs sur la tour Eiffel, vous vous êtes fait un kiff, vous avez bossé ensemble, vous étiez ensemble. On peut travailler dansson coin dans le cinéma mais en réalité le contact humain dans ce milieu c’est quelque chose d’obligatoire. Personne ne fait de film tout seul donc il faut faire des compromis, coopérer. Il y a un objectif donné et il faut travailler ensemble.
En réalité le contact humain dans ce milieu c’est quelque chose d’obligatoire. Personne ne fait de film toutseul donc il faut faire des compromis, coopérer. Il y a un objectif donné et il faut travailler ensemble.
V : Avec qui tu rêverais de travailler en France et à l’international ?
DL : C’est plutôt avec qui je n’aimerais pas bosser *rires*. Déjà, travailler sur un long métrage serait incroyable. Si je devais travailler avec un français ça serait Romain Gavras, je trouve qu’il tient bien ses sujets, j’aime bien la façon dont il en parle. À l’international j’aimerai bien prendre un gros truc, Scorsese par exemple. Après sur ce genre de film c’est pas le même travail. Dans les projets que j’ai fait, on est encore à échelle humaine.
Sur des films Américains comme Gladiator il y a trois mille figurants, c’est une armée, t’es peut-être en haut de la pyramide mais chacun doit connaître son rôle et savoir ce qu’il fait. Tu ne peux pas gérer 3000 personnes et une grande équipe. Sur des grosses machines comme ça je serais curieux de voir comment ça se passe. En plus, c’est toujours les mêmes équipes qui font ce genre de film, une fois que tu es rentré dedans, si tu fais du bon travail on te rappelle. C’est pour ça qu’il faut se challenger à chaque fois, tu ne peux pas te permettre de planter les personnes qui t’ont appelé et qui t’ont fait confiance.
V : C’est quoi qui t’a donné envie de faire du cinéma ?
DL : J’ai vécu avec des parents qui adoraient le cinéma. Je me souvient que mon père avait acheté 100 DVD pour 1000 francs. Alors il y avait plein de trucs nuls dedans mais il y avait aussi des classiques. Avec mon frère, on les a tous regardés. Mes parents, c'est le genre de personne qui s’endorment devant les films, chez nous la télé n’était pas dans le salon mais dans la chambre. Regarder des films c’était quelque chose à faire tout seul avant de se coucher ou pour se reposer.
C’est aussi le monde du cinéma qui m’attirait. Mon père était vendeur de billets d'avion pour le cinéma, il téléphonait auxboîtes de production. Pour moi, mon père travaillait dans le cinéma. Même s’il n’était pas sur les plateaux de tournage dans ma tête c’était pareil. Du coup c’était un peu un but. J’ai toujours voulu faire ça.
Quand j’étais au collège je voulais être régisseur général, j’ai fait un stage dans une boîte de production, on a fait un clip avec SEFYU et Lilian Thuram m’a donné son maillot. Il venait d’arriver à Barcelone à l’époque. Il m’avait demandé si j’aimais le foot, Lilian Thuram qui me demande si j’aime le foot, bien sûr que j’aime le foot! *rires*.
Tu peux te retrouver dans un pays étranger inconnu pour un projet. C’est assez excitant. Tu découvres des nouveaux sujets, des gens avec une sensibilité différente, deschoses différentes à dire, une manière de dire qui leur est propre et ils retranscrivent ça au travers d’images, ça me fait rêver.
Quand je suis arrivé au stage le régisseur général m’a dit « régisseur général c’est pas un but dans la vie ». Moi c’était mon but, et je me suis demandé ce que je pouvais faire qui avait un rapport avec le cinéma, parce que je savais que je voulais faire des films, c’était sûr. J’ai pensé à réalisateur, j’aime bien raconter des histoires, écrire. Puis ça permet de voyager, de vivre des aventures. Si tu travailles dans un film sur le Moyen-Âge tu vas te retrouver au Moyen-Âge.
Tu peux te retrouver dans un pays étranger inconnu pour un projet. C’est assez excitant. Tu découvres des nouveaux sujets, des gens avec une sensibilité différente, des choses différentes à dire, une manière de dire qui leur est propre et ils retranscrivent ça au travers d’images, ça me fait rêver.
Merci à Driss de nous avoir accordé cet entretien.
Victoire Lancelin.