Les français, un peuple révolutionnaire

Il semblait vouloir être Louis XIV, sera-t-il Louis XVI ? Dans une récente enquête réalisée par la société QualiQuanti à la demande de l’Élysée, les personnes âgées associeraient Emmanuel Macron au roi Soleil. Le repas qui avait été envisagé à Versailles lors de la réception de Charles III paraissait leur donner raison. Les manifestants, battant le pavé dans de nombreuses villes de France depuis le 19 janvier, définissent plutôt le président français comme Louis XVI. En effet, des slogans comme “Louis XVI, Louis XVI, on l’a décapité, Macron, Macron, on peut recommencer”, “Macron, si tu te prends pour un roi, la guillotine t’attendra” ou le plus basique “Macron démission” ont pu être entendus. De plus, plusieurs affiches représentent la tête d’Emmanuel Macron sur un pieu ou au milieu de brasiers. Cette critique du pouvoir s’accompagne d’une critique d’une sorte de nouvelle aristocratie “ultra-riche”. Une aristocratie des grands patrons, des actionnaires faisant des “super-profits”, symbolisée par le patron de Total Energies Patrick Pouyané dont la rémunération a augmenté de 23,3% entre 2021 et 2022, ou encore par Bernard Arnault, homme le plus riche du monde. Le 13 avril, un groupe de manifestants s’est introduit dans les bureaux de LVMH (société de Bernard Arnault) renforçant l’imaginaire révolutionnaire du peuple contre une nouvelle forme de noblesse. 



La Révolution Française ou le mythe de la création républicaine

Les manifestations semblent être dans l’ADN des Français. Souvent moqués par leurs voisins européens pour cette tradition des grèves, les Français tiennent cependant à leurs mobilisations sociales. En effet, si le gouvernement refuse de considérer la légitimité de la “foule”, face “au peuple qui s’exprime à travers ses représentants” selon les mots du président, la mythologie républicaine s’appuie bien sur une histoire sociale et politique révolutionnaire. En effet, l’histoire des Républiques françaises est intrinsèquement liée avec l’histoire des révolutions. 

La plus grande reste la Révolution Française, des majuscules pour souligner l’importance de cet épisode fondateur pour l’histoire républicaine française. Un souvenir qui tend à effacer la réalité d’une révolution bourgeoise, la Terreur qui a suivi, et finalement la faiblesse d’une République ayant permis l’avènement de Napoléon I. La Déclaration des Droits de l’Homme et des Citoyens pour oublier la loi du Chapelier, interdisant les rassemblements d’ouvriers et de paysans comme le rappelle le sociologue Jean-François Amadieu. 

1789 vu comme l’acte de naissance de la République Française. Une unité républicaine difficile à trouver alors qu’en 234 ans, 10 régimes politiques se sont succédés. Mais alors, où est l’unité républicaine française ? Ne serait-elle pas dans la révolution ? 


Un héritage révolutionnaire comme source de légitimité

En 1848, Alexis de Tocqueville notait dans son carnet “Les Français sont plus doués pour la Révolution que pour les réformes”, une réflexion encore vraie 200 ans plus tard. En effet, selon un sondage de l’Ifop réalisé en 2019 pour le site Atlantico révélait que 39% des Français étaient favorables à une nouvelle révolution. Une particularité française, qui montre qu’il semble encore difficile de s’extraire d’une histoire politique révolutionnaire : 1789, les Trois Glorieuses de 1830, la révolution de Février de 1848, la Commune en 1870, autant de révolutions qui ont façonné la République. Une culture politique qui légitime souvent la foule révolutionnaire contre les gouvernements élitistes. Une culture revendiquée par les nombreux mouvements sociaux, qui puisent leur légitimité de cette image d’un peuple du côté des révolutionnaires.  Les manifestations contre la réforme des retraites, considérées comme une situation “pré-révolutionnaire” par la sociologue Dominique Méda, paraissent continuer à faire vivre un héritage français, et posent la question de la réelle source de légitimité en France. Dans un régime politique qui se revendique né d’une révolution, comment renier la légitimité des manifestants ?


Solenn Ravenel

Rédactrice chez Weshculture

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