Parcoursup: des inégalités persistantes

En 2022, 10% des lycéens inscrits sur Parcours sup n’avaient pas reçu de propositions de formations le 15 juillet, soit lors de la phase d’admission principale. Ce pourcentage qui semble être à première vue mineur, concerne en réalité près de 117 000 lycéens, selon L’Etudiant. Ce nombre à six chiffres est un révélateur des problèmes persistants autour de la plateforme et parmi eux se trouvent de graves problèmes d’inégalités sociales. 

Tout savoir sur Parcoursup 2023. L’Obs. 18 janvier 2023, © Mourad ALLILI/SIPA


Parcoursup : un filtre social 


La sociologue et maîtresse de conférence à Paris 8, Marie-Paule Couto, affirme en effet au Monde l’existence d’une surreprésentation des bacheliers généraux et non boursiers sur Parcoursup, sous d’autres termes issus des classes aisées.  

Cette surreprésentation est en fait le résultat de tout un système visant à les favoriser, à commencer par la lettre de motivation.  Celle-ci nécessite presque obligatoirement une aide extérieure. Or, rares sont les professeurs qui bénéficient de suffisamment de temps et de maîtrise du sujet Parcoursup. L’autre solution sont les parents. C’est ce point qui constitue le nœud du problème. Les parents issus de classes aisées seront plus à même de cerner les attentes de la plateforme et de s’y conformer. A contrario, c’est loin d’être le cas pour des parents de classes populaires n'ayant pas fait de longues carrières dans l’enseignement supérieur et ne s’étant que très rarement confrontés aux codes de Parcoursup. Cette première inégalité se trouve renforcée par tout un marché qui s’est développé autour de l’anxiété générée par Parcoursup. Aujourd’hui, il est possible de trouver en quelques clics des offres de coaching d’orientation spéciales Parcoursup pouvant dépasser les 450€. Donc bénéficiant seulement, là encore, aux classes les plus aisées. 

Parcoursup dispose aussi d’une autre variante dans son rôle de filtre social : la section “Activités et centres d'intérêts”. Marie-Paul Couto étaye en effet que les activités changent radicalement selon les milieux sociaux, à l’image du schéma  “Habitus et l’espace des styles de vie” créé par Pierre Bourdieu. Les classes populaires valoriseront plus la pétanque, la pêche ou la belote, alors même que les classes supérieures préfèreront les échecs, le piano ou encore le tennis. Pourtant, parmi ces activités, toutes légitimes qu’elles soient, certaines seront plus appréciées que d’autres sur les écrits. Les milieux modestes se retrouvent ainsi encore une fois pénalisés. 


“Une boîte noire” ou la méconnaissance des critères de sélection 


Malgré un effort de transparence qu’il faut reconnaître à la plateforme, ou plus précisément, aux ministères de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Parcoursup demeure une boîte mystère en de nombreux points. Les attendus varient grandement selon les formations et se répercutent ainsi au niveau des algorithmes locaux, propres à chaque établissement. En réalité, il existe de grands écarts concernant la maîtrise de Parcoursup selon les établissements. Les plus sélectifs (grandes Écoles ou Prépas recherchées) détiennent une meilleure connaissance du fonctionnement de la plateforme et préparent leurs algorithmes de sorte que les élèves aux parcours d’excellence, tant scolairement que culturellement parlant, seront favorisés. On retrouve ici un manque d’égalité, car ceux sont souvent les plus aisés qui ont eu l’occasion de se construire ce type de profils recherchés, par les voyages, les échanges ou autres activités valorisées. Cette inégalité se trouve en plus renforcée par le phénomène d’autocensure. Les élèves de milieux défavorisés se sentiront moins légitimes à candidater pour ces formations dites “prestigieuses”, d’autant plus qu’un certain nombre de démarches est requis pour porter sa candidature, renforçant la probabilité de démotivation en chemin. 


Mais alors… et les autres pays ? 


Selon le maître de conférence en sociologie Romain Delès, parcoursup est un système propre à la France. Il étaye dans une interview à Libération qu’en Suède par exemple, il n'existe pas de sélection lors de l’entrée dans l’enseignement supérieur. De fait, il est même possible d’y entrer sans avoir obtenu son diplôme de fin de l’enseignement secondaire. Le cas de l’Allemagne est assez similaire, dans le sens où la sélection ne se fait pas par une plateforme mais en amont. Pour entrer dans l’enseignement supérieur, le critère à respecter est d’avoir obtenu l’Abitur, équivalent de notre baccalauréat. Or, contrairement à la France, seuls 55% des élèves l'obtiennent. Ce pourcentage permet donc à une large majorité d’élèves d’entrer dans l’enseignement supérieur sans faire face à la compétition. Il ne reste aux élèves qu’une chose à faire : attendre pour obtenir une place. 


Ces systèmes ne sont certes pas parfaits. Ils induisent aussi des inégalités persistantes. Cependant, il n’en reste pas moins qu’ils tendent à les diminuer en tentant de mettre fin au système de sélection, ou quand ce n’est pas encore le cas, de l’abaisser aux seules capacités scolaires de l’élève. Pourquoi ne pas s’en inspirer pour le système français ? 


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