Sur quelle chaîne regarder la Coupe du monde de football féminine ?

Aucune. Aussi impressionnant que cela puisse paraître, à moins de 60 jours du match d’ouverture, la Coupe du monde de football féminine n’a toujours pas de diffuseur officiel en France. Après l’élan populaire levé par l’équipe de football américaine et ses stars Megan Rapinoe et Alex Morgan, mais aussi après la réussite sans précédent de l’Euro 2022 en Angleterre, le mondial 2023 (qui se déroule entre le 20 juillet et le 20 août en Australie et Nouvelle-Zélande) semblait débuter sous les meilleurs auspices. Cependant, les nombreux espoirs ont vite été douchés par le risque de l’écran noir, l’absence de diffusion des matchs,  en France, mais aussi en Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni. Alors que se passe-t-il ? 

La FIFA, défenseure du football féminin

Après les nombreux scandales liés au non-respect des droits humains lors de la Coupe du Monde au Qatar, la FIFA et son président, Gianni Infantino, ne voudraient-ils pas redorer leur image en se plaçant en défenseurs du football féminin ? En effet, si plusieurs diffuseurs français ont déjà fait des offres pour les droits télévisuels à la FIFA, ces dernières ont été refusées par l’organisation internationale. Le président de la fédération internationale déclarait lors du tirage au sort des poules à Auckland que les offres reçues étaient “inacceptables”, dénonçant que les offres reçues étaient dix à cent fois inférieures à celles reçues pour la Coupe du monde masculine. Quelques semaines après, lors de la table ronde de l’Organisation mondiale du commerce, il réitérait ses propos en parlant de “gifle” pour les joueuses et les “femmes du monde entier”, argumentant “nous considérons comme une obligation morale et juridique notre refus de brader la Coupe du monde féminine”. Selon le communiqué officiel de l’organisation, aucun appel d’offre n’a été accepté “faute d’offre qui reconnaisse le plus grand tournoi de football féminin au monde à sa juste valeur”, et demande autour de 20 millions d’euros. En effet, depuis le premier tournoi mondial féminin en 1991, le nombre de téléspectateurs ne fait qu’augmenter, atteignant plus d’un milliard de téléspectateurs lors de l’édition 2019. La FIFA souligne également que les revenus de cette coupe du monde seront réinvestis dans le développement du football féminin. 

Des dates qui ne font pas l’unanimité

Si TF1 avait acheté les droits de la Coupe du monde 2019 à 19 millions d’euros, cette année, les offres s’approchent difficilement des 10 millions. Les diffuseurs mettent en avant les problématiques des dates, et dans une moindre mesure des heures de diffusion. En effet, en 2019, la Coupe du monde se déroulait en France, les matchs étaient donc diffusés en prime time. Cette année, l’équipe de France jouera ses matchs de poule à midi heure française, et les demi-finales et finale se dérouleront à 10 heures. Hors des tranches de grandes écoutes, les revenus publicitaires pour les chaînes de télévision étant moins élevés, les diffuseurs doivent baisser leurs appels d'offres. Mais plus que les horaires, qui restent raisonnables, la question des dates du mondial pose aussi problèmes. La coupe du monde se déroule très tardivement. Le spécialiste média du journal l’Équipe, Sasha Nokovitch, explique sur France Info "Une Coupe du monde qui se déroule aussi tardivement dans l'été ce n'est jamais arrivé. Après le 14 juillet, le marché publicitaire s'effondre, les audiences sont beaucoup moins fortes." Ainsi, les chaînes offrent entre 5 et 7 millions. Des montants à peu près semblables en Italie, en Espagne, en Allemagne, qui dépassent un peu les 10 millions en Angleterre.


Les acteurs du sport prennent position


Plusieurs sportives sont sorties du silence pour dénoncer la situation. Interrogée sur l’absence de diffuseurs, la capitaine des Bleues Wendie Renard a déclaré "Je pense qu'on ne peut qu'avoir un diffuseur parce que le foot féminin est en train d'éclore. Si on n'a pas de diffuseur, ça voudra dire qu'on fait marche arrière." L’avant-centre internationale allemande Alexandra Popp a, elle, choisi l’approche plus directe lors d’un entretien accordé à l’agence allemande SID. « Je vais le formuler gentiment. Chez M. Infantino, on a l’impression qu’il n’est plus que question d’argent, et de qui est le plus puissant au monde » a-t-elle regretté. Plus sobre, le nouveau sélectionneur de l’équipe de France Hervé Renard a lancé un appel “On a besoin de vous” à plusieurs médias en avril. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, qui s’est engagée pour une plus grande diffusion du sport féminin, s’est donc saisie du dossier. Le 10 mai, elle annonçait être en contact avec la FIFA et les chaînes de télévision pour tenter de trouver un accord. Très active sur le dossier, le 21 mai, elle déclarait dans l’émission Questions politiques, sur France Inter : “je prends l’engagement qu’il y aura une retransmission”. La question des droits de diffusion était aussi au cœur de la rencontre avec les ministres des Sports italien, espagnol, anglais et allemand.

Il est vrai que l’on peut être déçu du prix des offres faites par les diffuseurs, notamment par rapport au réel engouement populaire des dernières compétitions internationales. Avoir un mondial diffusé reste cependant une priorité pour le développement du sport féminin, plus que de savoir le prix des droits. Si le rôle de la FIFA doit être le développement du football, et particulièrement du football féminin, il est difficile de croire à la soudaine pureté militante de Gianni Infantino. De plus, doit-on lui rappeler que les droits télévisuels du dernier mondial masculin s’élevaient à 200 millions de dollars ? Si jamais il souhaite poursuivre sa volonté de développement du football féminin, peut-être qui lui serait possible de trouver quelques millions.



Solenn Ravenel

Rédactrice chez Weshculture

Précédent
Précédent

Vers l’instauration d’un arrêt menstruel en France ?

Suivant
Suivant

L’arrivée de la surveillance de masse en France