Faut-il vraiment boycotter Beijing 2022 ?
Dans un peu moins de 80 jours se tiendront les 24èmes Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver à Beijing (Pékin) en Chine. Du 4 au 20 février prochain, les athlètes internationaux se retrouveront pour s’affronter autour de 15 disciplines différentes.
À l’heure où le sort de la tenniswoman Peng Shuai reste inquiétant ; où le génocide Ouïghour se poursuit et où la démocratie et les droits de l’Homme sont un peu plus niés chaque instant ; la question d’un boycott international s’impose.
Le boycott Olympique, histoire d’une arme politique
Largement employé pendant la Guerre Froide pour des raisons idéologiques à l’occasion des Jeux de Moscou de 1980 et de Los Angeles 1984, le boycott olympique peut être soutenu par d’autres rasions qu’un désaccord politique dans le cadre d’une guerre. Il correspond à la manifestation d’une désapprobation massive du régime hôte de l’événement.
L’organisation des Jeux est un événement fondamental pour un pays. Elle correspond à l’apport d’un prestige, de touristes et de financements internationaux. Les Jeux sont d’importance capitale pour le pays hôte. Le boycott devient ainsi une arme politique stratégique qui permet de retirer aux pays tous ces avantages et de lui manifester un désaccord fort. S’il n’a finalement pas abouti, le boycott de 1936 a été massivement lancé par les gauches européennes et internationales pour démontrer leur désapprobation vis-à-vis du régime nazi.
Le boycott olympique de Pékin 2022 pour des raisons politiques paraît ainsi une arme forte pour faire comprendre à la Chine que la politique intérieure et extérieure de cette dernière ne correspond pas à des valeurs partagées par le reste du monde et plus particulièrement par l'Occident.
Mais alors, quelles sont les raisons de boycotter les JO de Pékin ? Elles apparaissent nombreuses : atteinte aux droits de l’Homme, génocide, autoritarisme, désastre écologique en perspective… Voici un petit point qui permet de les élucider même si elles restent plus larges en raison de la complexité diplomatique des relations avec la Chine.
La situation des Ouïghours incautionnable pour l’Occident
Le député européen Raphaël Glucksmann nous le rappelle, depuis des mois voire des années, un million de musulmans Ouïghours sont détenus dans des camps d’internement au Xinjiang. Forcés au travail, violés, tués, réduits en esclavage, l’internement de ces ouïghours relève d’une pratique génocidaire. Largement dénoncée par les organisation non gouvernementales pour les droits humains, le génocide des Ouïghours correspond à une pratique intolérable pour les démocraties occidentales.
Participer aux Jeux Olympiques devient alors une forme de caution de ce génocide et des pratiques du régime chinois. Le déni des droits humains deviendrait alors un facteur qui n’influence pas les décisions gouvernementales internationales.
Participer aux Jeux Olympiques devient alors une forme de caution de ce génocide et des pratiques du régime chinois. Le déni des droits humains deviendrait alors un facteur qui n’influence pas les décisions gouvernementales internationales.
L’affaire Peng Shuai pour agrémenter cette volonté de boycott de la part du sport international
Le 2 novembre 2021, la joueuse de tennis Peng Shuai accuse l’ancien vice premier ministre chinois, Zhang Gaoli, de viol. Le message d’abord posté sur Weibo –l’équivalent de Twitter en Chine – a rapidement été censuré par le régime mais, grâce à des captures d’écrans, a fait le tour du monde. Rapidement, la joueuse de tennis mondiale disparaît mystérieusement, elle ne donne plus aucune nouvelle et n’apparaît plus publiquement.
#WhereisPengShuai prend de l’ampleur, l’affaire fait le tour de twitter, des grands médias et des personnalités internationales réagissent : Serena Williams ou encore Novak Djokovic prennent la parole demandant la libération de Peng Shuai.
#WhereisPengShuai prend de l’ampleur, l’affaire fait le tour de twitter, des grands médias et des personnalités internationales réagissent : Serena Williams ou encore Novak Djokovic prennent la parole demandant la libération de Peng Shuai.
L’association des joueuses de tennis (WTA) a réagi en suspendant ses tournois en Chine, elle devient la première organisation sportive à se dresser ouvertement contre la deuxième puissance mondiale et pour les droits humains. Le président de la WTA, Steve Simon, a déclaré dans un communiqué qu’il lui semblait impensable que les tournois continuent en Chine et à Hongkong alors que la joueuse ne pouvait s’exprimer librement.
Le Comité international olympique (CIO) a cependant annoncé le 2 décembre dernier qu’il avait pu s’entretenir avec Peng Shuai, justifiant ainsi une non-action de sa part vis-à-vis de la Chine.
La voie d’un boycott diplomatique généralisé ?
Depuis quelques jours, les annonces de boycott tombent une à une : États-Unis, Australie, Canada et Royaume-Uni… De quoi faire trembler Pékin qui ne verra aucun de ces dirigeants et représentants diplomatiques.
Joe Biden a commencé en déclarant le 6 décembre qu’il n’enverrait aucun représentant diplomatique pour les Jeux, l’Australie, le Canada et le Royaume Uni annoncent dans les jours qui suivent que leur position diplomatique sera similaire.Cette décision américaine se voit motivée par génocide et les crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang, intolérable selon Joe Biden qui n’empêche pas les sportifs de participer mais n’enverra pas de délégation diplomatique afin d’envoyer un signal fort à Pékin.
Le président du CIO, Thomas Bach, déclare cependant que les Jeux Olympiques sont un évènement apolitique et neutre et que le CIO œuvre pour la prise en compte des droits humains. Mais la mise en place d’un évènement aussi festif que les Jeux n’a rien d’apolitique, c’est l’approbation claire d’un régime génocidaire.
Au niveau européen, les dirigeants s’interrogent sur un potentiel boycott. Le 8 juillet 2021, le Parlement a voté une résolution incitant les pays membres de l’Union européenne à boycotter les Jeux. La valeur non contraignante de cette résolution ne les oblige en rien et les pays membres pourront tous participer sportivement et diplomatiquement à cet événement.
Les mouvements de contestation des Jeux montent en Europe, le député européen Raphaël Glucksmann se mobilise de plus en plus demandant à Emmanuel Macron de suivre la voie américaine sur le boycott.
Néanmoins, le 9 décembre au matin, le gouvernement annonce sa décision, la France ne participera pas au boycott et Roxana Maracineanu, ministre déléguée aux Sports, comme Sophie Cluzel, ministre des solidarités et de la santé, se rendront à Pékin en février 2022. Cette voie est justifiée par le ministre de la Jeunesse et des Sports, Jean Michel Blanquer, par le fait que la France a condamné sans ambiguïté le génocide Ouïghour mais qu'un boycott olympique serait presque inutile.
« Le sport ne peut interférer dans la politique au risque de tuer l’ensemble des compétitions » JM Blanquer
Le boycott aura donc bien lieu mais ne sera pas aussi général qu’espéré, seuls les délégations des pays volontaires ne se rendront pas à Pékin ; l’événement quant à lui aura bien lieu mais à quel prix diplomatique, humanitaire et écologique ?