“Allons enfants”: un hymne au hip-hop, à la diversité et à la déter
Le documentaire Allons enfants – réalisé par T. Demaizière et A. Teurlai, est sorti en salle le 13 avril dernier. Il porte porte sur la fameuse section hip- hop du Lycée Turgot, un lycée parisien prestigieux situé dans un quartier bourgeois du troisième arrondissement de Paris. L'admission des jeunes danseurs et danseuse qui compose cette section est davantage due à leur talent qu'à leurs résultats scolaires.
En seconde, première ou terminale, il existe une « classe hip-hop » avec des entraînements très réguliers dans la semaine jusqu’à tard le soir (8h de danse par semaine minimum), des cours de culture hip hop, du coaching par des danseurs et danseuses pro, le tout orchestré par leur prof/coach/tonton M. Berillon, à l’origine prof de sport et danseur. La section hip-hop permet à des élèves venant d’établissements classés REP+ (Réseau d’Education Prioritaire) de Paris et sa banlieue, d’accéder à ce lycée relativement prestigieux en associant réussite scolaire et réussite dans la danse, leur passion.
La possibilité d’arriver à Turgot grâce au hip-hop
Les portes sont ouvertes à toutes et tous et sur tout le territoire. Tout le monde peut postuler pour intégrer Turgot en section hip-hop, seule la danse et le profil de l’élève sont pris en compte. Les résultats scolaires figurent comme éléments secondaires, ce qui est très étonnant dans notre système scolaire très basé sur les notes et sur le mérite. Plusieurs élèves, danseurs et danseuses, expliquent dans le film qu’ils/elles n’avaient pas nécessairement un bon dossier scolaire, mais qu’ils/elles ont été pris.es grâce à la danse.
« Sans les bonnes notes et les efforts en cours, pas de hip-hop »
La condition posée à l’entrée du lycée par le proviseur de l’époque, C. Barrand, était cependant d’allier réussite scolaire et danse, « sans les bonnes notes et les efforts en cours, pas de hip-hop ». Mais on comprend bien dans le film que cette section reste néanmoins sélective car les places y sont limitées : les danseurs et danseuses qui l’intègrent ont finalement été sélectionné.es. L’objectif est donc d’allier une passion – le hip hop – au scolaire, et dans les meilleures conditions.
Un vivier de talents qui fait partie d’une chaîne
Ce lycée est l’un des seuls – si ce n’est le seul – à proposer une section hip-hop de ce genre, et aussi complète en France. Cependant, il ne faut pas oublier qu'avant d'intégrer Turgot, ces jeunes danseurs et danseuses sont souvent dans des collèges proposant des options hip-hop, avec des entraînements, des battles, et participent même déjà à des championnats contre d’autres collèges avec des profs qui se donnent à fond pour les faire progresser et leur inculquer l’esprit du hip-hop, comme le collège Besson à Paris XXè, ou Lorca à St-Denis.
Le passage au lycée Turgot constitue donc une suite logique, et une voie royale pour se perfectionner et faire des rencontres dans le milieu – à condition d’être pris car il n’y a que 16 places pour plus de 100 demandes chaque année.
On peut d’ailleurs trouver à David Berillon, le professeur qui s’occupe de la section hip-hop, des airs de managers. On sent qu’il veut amener ses élèves le plus loin possible, et qu’il mobilise tout un réseau pour y parvenir. Mais on comprend la difficulté de garder cet objectif de joindre réussite scolaire et poursuite de la danse au long des trois années de lycée. Beaucoup de ces élèves ne sont pas scolaires, leurs résultats ne suivent pas dans un système scolaire toujours trop peu inclusif et qui ne s’adapte pas aux élèves.
Ce film présente aussi une des difficultés du travail de prof : ne pas perdre les élèves décrocheurs, avec les moyens qui leurs sont donnés. C’est à dire peu.
Ce film présente aussi une des difficultés du travail de prof : ne pas perdre les élèves décrocheurs, avec les moyens qui leurs sont donnés. C’est à dire peu. Il faut éviter que celles et ceux souhaitant arrêter les études pour ne faire que de la danse « ne s’écrase pas en plein vol », comme l’explique M. Berilllon à Charlotte, une des élèves danseuse que l’on suit dans le film, qui explique vouloir arrêter le lycée pour percer dans la danse.
Danser pour exister, et « réfléchir pour mieux danser »
Michelle explique tout au long du film son sentiment d’être invisible en permanence. Erwan parle de son mal-être lié à une enfance compliquée avec une mère alcoolique, qu’il exprime dans sa danse. Charlotte se sent intouchable, inarrêtable, plus vivante que jamais lorsqu’elle danse.
Toutes et tous parlent de leur besoin vital de danser pour s’exprimer, vivre, exister, revendiquer, combattre […]
Toutes et tous parlent de leur besoin vital de danser pour s’exprimer, vivre, exister, revendiquer, combattre, dans un monde trop peu à l’écoute des considérations d’une jeunesse qui va devoir affronter de nombreuses crises à venir, et à qui on ne donne pas assez la parole.
Dans ce film, on voit surtout des humains animé-es par la danse depuis toujours, passion qui les rassemble On leur donne la chance de pouvoir espérer en faire leur métier un jour, sachant que vivre du hip-hop reste relativement compliqué aujourd’hui en France.
On retient aussi une énorme ouverture et compréhension de la part des profs, et un gros effort de la part d’élèves très touchant-es, dans un environnement sain, porteur d’ambition, de talent et d’une grande puissance. Ce film représente fidèlement ce qui se fait dans ce lycée et rend un bel hommage au travail accompli par les profs et élèves depuis maintenant des années. Un travail unique en France et dont personne n’avait parlé, en tout cas de manière si complète ni avec la magie du grand écran.