Tribune : Covid-19 : jeunes, étudiants et oubliés
Seul, dans ta chambre, à avaler des heures et des heures de visioconférence. Quelques heures de sommeil, une douche, un repas fade et on recommence.
Tu reconnais probablement tes derniers mois dans ces quelques mots et comme beaucoup, tu planes encore sûrement dans le doute.
Maudit virus, tu nous as volé notre temps.
16 mars 2020, journal de 20 heures. Coup de tonnerre (plutôt attendu finalement), le Président de la République annonce un confinement généralisé. La France est en guerre contre la Covid-19, certes, mais la France est surtout cloîtrée chez elle.
Beaucoup pensaient à l’époque que ce serait provisoire. Quelques mois à encaisser et on retourne à la vie normale. On était crédules.
A vrai dire, pas grand monde n’a su comment réagir face à la situation. On tuait le temps devant Netflix, on jardinait quand on pouvait, on se réunissait entre potes sur Discord, on faisait du sport ou on se répétait qu’on profiterait du confinement pour enfin reprendre. Sans reprendre évidemment, mais on avait espoir.
Les facs et écoles de leur côté se démenaient pour assurer un semblant de suivi. On peut chercher à les blâmer, mais les personnels et enseignants là-bas non plus ne savaient comment réagir.
Certains établissements ont littéralement interrompu les semestres. Les exams, à distance aussi, portaient sur les enseignements effectués en présentiel. D’autres ont pu organiser quelques visioconférences pour suivre leurs étudiants, avec plus ou moins de succès.
L’éclaircie de l’été passée, il fallait retourner en cours. Avec des débuts en présentiel, les étudiants ont pu regoûter à un enseignement supérieur à peu près normal avec de vrais profs et des potes, tout bêtement. Puis le coup de massue, avec un second confinement pour tous les étudiants (à l’exception des prépas et BTS).
Pour beaucoup, les deux petits mois de septembre et octobre seront les seuls de l’année en présentiel. Il sera très courant par la suite de laisser les étudiants en cours à distance tout le semestre, de faire sortir tout ce beau monde pour les examens en les massant dans des salles trop petites pour respecter la distanciation, puis de renvoyer les jeunes à leur marasme.
Oui. Nous, les jeunes, avons été les grandes victimes de cette crise. Nous, les jeunes, étions nombreux à voir filer certaines de nos meilleures années sans lever le flou total qui planait sur notre avenir. Nous étions aussi nombreux à nous sentir lâchés par nos dirigeants.
Combien d’entre nous ont perdu un stage ou une alternance ? Combien ont dû décaler ou annuler des projets, engagements associatifs ou mobilités à l’étranger ? Combien ont perdu leur job étudiant, ou même leur job tout-court, et se sont retrouvés sur la paille ?
Alors oui. Des distributions de produits de première nécessité ont eu lieu, parfois par des bénévoles et à leurs frais. Quelques aides financières et matérielles ont été proposées çà et là. Mais était-ce vraiment suffisant ? Quelles solutions ont été proposées à ceux qui finiront par redoubler, faute de stage ?
Outre évidemment ces aspects purement concrets, les conséquences psychologiques de ces confinements successifs ont été dévastatrices.
Selon Santé publique France, 31,5 % des 18-24 disent se sentir anxieux ou dépressifs depuis le premier confinement.
Une autre étude, effectuée par des chercheurs de l’École des Hautes Etudes en Santé Publique, de l’Institut Pasteur et de Santé Publique France sur un peu moins de 800 étudiants rennais montre que 60 % d’entre eux montraient des signes de détresse psychologique après le deuxième confinement.
Beaucoup d’entre nous n’ont pas eu la chance d’alors vivre en coloc, en couple ou en famille.
Ils ont été confinés seuls, dans leur modeste petite chambre d’étudiant. L’isolement et la solitude ont pris le pas. De longues semaines sans amis et famille, avec pour seul contact quelque caissier du supermarché voisin, et la mine déconfite du professeur qui galère à partager son écran en visio.
Certains autres ont eu le malheur de se découvrir une propension à l’anxiété. Anxiété de ne plus avoir assez de sous pour manger, de ne pas savoir de quoi sera fait son avenir, de ne pas trouver une maudite alternance, d’obtenir un diplôme vu au rabais par les recruteurs d’un marché du travail qui risque de souffrir dans le futur.
Un pays qui néglige sa jeunesse hypothèque son avenir, et c’est peu de dire que la jeunesse française s’est sentie négligée cette dernière année et demie.
Allez, un peu d’espoir quand même. Si la vaccination continue sur un bon rythme, la pandémie pourrait bientôt être de l’histoire ancienne. Mais pas ses conséquences, malheureusement.
Hicham.