Le syndicalisme étudiant bouleversé par la création de l'Union Étudiante
La création d’un nouveau syndicat étudiant a été annoncée le 4 avril 2023, ébranlant les rapports de force actuels entre les syndicats de gauche. Née de la fusion entre l’Alternative et dix-sept sections dissidentes de l’UNEF, l’Union Étudiante a pour ambition de devenir la première force syndicale française.
Les principales forces syndicales en Ile-de-France
La première force syndicale française est aujourd'hui la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) avec cinq sièges sur les onze réservés aux représentants étudiants au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et trois sièges sur huit au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS). La particularité de la FAGE est sa formation : c'est une fédération d'associations plus qu'un syndicat, elle est apolitique et cherche prioritairement à s'implanter dans les institutions nationales. Elle a devancé l'UNEF pour la première fois en 2015, signe du déclin de ce syndicat historique.
Également apolitique à sa création dans les années 1900, l'UNEF est aujourd'hui orientée à gauche. Elle est composée de plusieurs tendances - "Tendance Majorité Nationale" (TMN), "Tendance Unité de l'Action Syndicale" (TUAS), "Tendance Réformiste pour une Alternative Démocratique et Écologique" (TRADE), "Tendance Action Collective et Luttes Etudiantes" (TACLE) - qui ont des lignes politiques différentes. Cela signifie que plusieurs visions du syndicalisme cohabitent au sein de l'UNEF et les différentes tendances peuvent avoir des objectifs distincts. L'UNEF a deux élus au CNESER et trois élus au CNOUS.
L'Union, liste rassemblant l'Alternative, Solidaire étudiant-e-s et la Fédération syndicale étudiante, a quant à elle deux élus au CNESER et deux au CNOUS. Alliance créée pour gagner du poids lors des élections, les trois syndicats qui la composent demeuraient jusqu'alors indépendants en dehors des conseils. Il s'agit de la forme antérieure de la nouvelle Union Étudiante, située à gauche.
L'Union nationale inter-universitaire (UNI) arrive en quatrième position au CNESER avec un élu, ex aequo avec l'ANEE. Le syndicat se revendiquant de "la droite étudiante" et considéré comme proche du parti Les Républicains n'a obtenu aucun siège au CNOUS, malgré quatorze voix pour elle (cet écart est dû au scrutin proportionnel de liste utilisé).
L'Association nationale des élus étudiants (ANEE) obtient un élu au CNESER mais aucun au CNOUS. C'est une liste indépendante non affiliée à un syndicat.
Deux autres syndicats sont présents dans le paysage politique étudiant, bien qu'ils n'aient aucun siège en conseils : Le Poing levé, situé à l'extrême gauche et affilié au mouvement Révolution permanente (RP), et la Cocarde Etudiante, située à l'extrême droite.
Le renouvellement des sièges étudiants du CNESER a lieu en juin 2023 : l’Union Étudiante nouvellement créée a pour objectif de prendre du poids politique. Ainsi, les résultats de ces élections illustreront sans doute d’importantes évolutions dans les rapports de force entre les syndicats étudiants au niveau national.
L'Union Étudiante, la promesse d'une mobilisation plus concrète
L'Alternative est créée en 2019 d'une scission de l'UNEF : les étudiants fondateurs du nouveau syndicat lui reprochent des dysfonctionnements internes et des difficultés à initier des actions collectives. La situation ne s'est pas améliorée depuis, à tel point que de nombreux membres de l'UNEF l'ont quittée pour rejoindre leurs anciens camarades à l'Alternative. C'est notamment le cas de certains membres du bureau national qui sont en désaccord avec la présidente de l'UNEF comme Pauline Lebaron, ancienne vice-présidente de l'UNEF, ou Hugo Pierson, ancien trésorier, qui se sont tous deux exprimés dans Le Monde.
Les instigateurs de l'Union Étudiante reprochent à la direction de l'UNEF de "s'être renfermée sur elle-même", d'avoir eu des "comportements violents" et d'être "incapable de réguler les désaccords internes", selon le dossier presse de l'Union. Critique à laquelle l'UNEF répond dans un communiqué de presse du 5 avril 2023 que "bien que perfectible, le modèle démocratique de l'UNEF reconnaît et organise les débats internes". Adrien Lienard, membre du bureau national de l'UNEF a également soutenu son organisation dans un article du Monde du 4 avril 2023 : "Pourquoi les dissidents n'ont-ils jamais porté ce débat en interne, alors qu'ils pouvaient le faire à maintes occasions, que ce soit en collectif national ou bien lors de nos réunions hebdomadaires avec les cadres des sections locales ?".
Dans le contexte de grande mobilisation contre la réforme des retraites, les dissidents de l'UNEF la jugent incapable de rassembler et de mobiliser. L'UNEF met en avant son histoire syndicale de longue date : "depuis 115 ans [116 ans depuis le 4 mai] la maison commune de l'ensemble des étudiants". L'Union Étudiante, consciente de l'atout que représente la légitimité déjà acquise de l'UNEF, cherche à conserver l'historique de ses conquêtes sociales à travers son nom. L'Union promet ainsi de "fédérer par l'action" et de défendre les intérêts étudiants avec horizontalité en donnant plus de poids aux sections locales.
Concrètement, la création de l’Union Étudiante va-t-elle avoir un impact sur les rapports de force entre les syndicats au sein des universités d’Ile-de-France ? Weshculture s’est intéressé à la question, retrouvez notre décryptage ici.