Quels espoirs pour la COP 15 ?

Lundi 19 décembre, tard dans la nuit, les participants de la conférence internationale sur la biodiversité trouvaient un accord pour la préservation de la biodiversité au niveau mondial. Depuis lundi, presque tous les journaux titrent sur un accord “historique”. Mais dans quelles mesures cet accord est-il historique ? Et la question la plus importante, est-il suffisant pour sauvegarder une biodiversité en grave danger ? 

La coopération internationale à l’heure des défis climatiques 

Premièrement, il paraît nécessaire de revenir sur le rôle de la COP 15 et des attentes qu’elle suscitait avant même le discours d’ouverture de la conférence le 9 décembre. Comme les conférences des parties pour le climat, les conférences pour la biodiversité sont des rendez-vous importants dans l’organisation des relations internationales dans le but de protéger l’environnement. Depuis le sommet de Stockholm en 1972, ces sommets sont des moments concrets du fonctionnement des instances internationales et des tentatives importantes de coordination dans un objectif commun. Si elles ont souvent tendance à souligner les divergences entre les membres de la communauté internationale. Elles sont des espaces de dialogues nécessaires pour la diplomatie internationale.


 Cette année, en sa 15ᵉ édition, la conférence internationale pour la biodiversité se déroulait à Montréal, siège du secrétariat de la Convention biodiversité. Après l’échec retentissant des Accords d’Aichi, du nom de la ville japonaise où se tenait la convention sur la diversité biologique. En 2010, ils avaient établi vingt d’objectifs pour la protection de la biodiversité à l’horizon 2020, comme la protection de 17% des espaces naturels terrestres et des eaux continentales et 10% des zones marines et côtières, ou encore la réduction de moitié le taux de perte d’habitat naturel, y compris les forêts. Aujourd’hui, si 17% des terres sont protégées, aucun objectif n’a été atteint. 


12 ans après, la conférence de “Kunming-Montréal” devient donc la conférence de la dernière chance, de même importance que la COP 21 pour le climat. Alors que la population de vertébrés s’est effondrée de 69% en 50 ans, qu’un million d’espèces végétales et animales sont menacées, que plus de 75% de la surface terrestre est déjà altérée par l’activité humaine, et que les engagements pour la protection de la vie humaine ne sont pas respectés, le défi de cette COP est immense. Dans un contexte où les dirigeants du monde affichent une lâcheté qui frôle l’indécence face au mondial de football au Qatar, les participants et représentants étatiques à Montréal, sont exhortés au “courage”.

Des objectifs ambitieux

Sous la présidence chinoise, 195 Etats se sont mis d’accord sur une série de 23 objectifs “ambitieux” selon les mots de Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et du Changement Climatique.

Le plus emblématique, à la manière de l’objectif des 1,5°C de l’Accord de Paris, c’est l’objectif de la protection des 30% des terres et des mers pour 2030. Cet objectif des 30% était porté par la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, lancée en 2021, elle réunissait avant même le début de la COP 110 pays, dont certains des plus récalcitrants, notamment la Chine. Poussé par l’Union Européenne, l’accord prévoit aussi une réduction de moitié du “risque global” lié aux pesticides et aux produits chimiques, mais aussi la restauration de 30% des écosystèmes. La question du financement a aussi été actée dans cette série d’objectifs. Ainsi, l’ensemble des acteurs ont acté une dépense de 200 milliards de dollars par an pour la biodiversité. Le montant des aides au pays en développement devra aussi augmenter pour passer à 20 milliards de dollars par an d'ici à 2025 et 30 milliards d’ici à 2030. Si ces chiffres sont loin du 100 milliards demandé par les pays en développement, ils permettent de doubler, puis de tripler, les flux financiers aujourd’hui attribués aux pays en développement. Un fond mondial pour la biodiversité est aussi créé au sein du fonds l’Environnement mondial.


L’accord redonne un rôle de premier plan aux populations autochtones. Un symbole fort envoyé par la communauté internationale dans un pays qui cherche un chemin vers la réconciliation après les traumatismes de la colonisation pour les populations autochtones. Mais l’objectif est bien plus qu’un symbole, puisqu’il reconnaît le rôle des populations autochtones en tant que “gardiens de la biodiversité” car les 25% des espaces terrestres qu’ils gouvernent et gèrent représentent 80% de la biodiversité. Le texte affirme donc que le “consentement libre, préalable et éclairé” des populations autochtones doit être respecté.

Le premier ministre du Canada Justin Trudeau en présence d'Alison Linklater, Steven Guilbeault, Jackson Lafferty et Dallas Smith (de gauche à droite). PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / PAUL CHIASSON

Un accord presque parfait ?

“Non”, répond Basile van Havre, co-président du groupe de travail sur le nouveau cadre mondial de l'après-2020, “ce qui est important c’est ce que nous en ferons”. En effet, comme l’ont montré les différents sommets de la communauté internationale précédent la COP 15, les objectifs ne sont que rarement atteints, et la coopération internationale sur les questions environnementales semble un échec cuisant. Le principal problème : un accord qui repose sur l’action volontaire, avec aucun processus contraignant. Pour Brian O’Donnell, la responsabilité collective revient à la société civile, qui est cependant peu informée sur les tenants et les aboutissants des processus internationaux pour la biodiversité. 

Plusieurs associations environnementales soulignent les limites de cet accord : le “risque global” lié aux pesticides, ainsi que l’objectif de l’élimination du plastique restent très flous. De plus, la parution publique par les entreprises des rapports d’impact sur la biodiversité de leurs activités n’est pas obligatoire mais seulement recommandée. Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du Fonds mondial pour la nature (WWF) ajoute également que  “la feuille de route pour la transformation des secteurs productifs n’est ni datée ni chiffrée”

Pascal Canfin, député européen, souligne la nécessité de mettre en place des lois pour compléter et appliquer les principes du texte. C’est dans cet objectif que le Parlement Européen vient de voter une loi contre la déforestation importée, cette loi vise à interdire l’importation de biens issus de la déforestation. 

Alors concluons que si l’accord n’est pas parfait, on peut espérer que les politiques, les industriels et les citoyens réussiront à jouer sur la même partition pour atteindre les objectifs fixés par le texte.

Solenn Ravenel

Rédactrice chez Weshculture

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