La COP 28 à Dubaï : à l’encontre de la protection environnementale ?

Le jeudi 12 janvier 2023, une annonce suscite incrédulité, scepticisme et colère auprès des défenseurs du climat. Quelle en est la raison ? Et bien cela s’explique par la nomination officielle du Président de la COP 28, qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï.

Une annonce qui fait débat 


Le 12 janvier, l’agence de presse des Emirats (WAM) annonce officiellement la présidence du sultan Ahmed al-Jaber à la 28ème conférence de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur le climat. Ministre de l'Industrie et des Technologies, mais aussi  directeur général de la compagnie pétrolière nationale des Emirats arabes unis (adnoc) depuis 2016 ; il devient ainsi le premier PDG à présider une COP. Selon Frans Timmermans, commissaire européen à l’Action pour le climat, Ahmed al-Jaber serait même “extrêmement bien placé pour nous mener vers une COP réussie” . Néanmoins  certains ne sont pas du même avis.

Du côté des défenseurs de la lutte contre le réchauffement climatique et des experts du climat, cette annonce passe pour une plaisanterie, un ressort absurde pour dédramatiser une actualité climatique pesante. En effet, cette décision peut sembler paradoxale au vu de la situation du réchauffement climatique et du rôle que tient le sultan. Ce dernier, président d'un grand groupe pétrolier, est indéniablement entaché à l'utilisation d'énergies fossiles (soit la principale cause du dérèglement climatique. Il est important de rappeler que le dérèglement climatique est principalement causé par la combustion d’énergies fossiles : charbon, gaz et pétrole. 

Une nomination qui fait débat puisque le sultan va devoir jouer sur deux tableaux : à la fois PDG d’une entreprise polluante (Abu Dhabi National Oil Company) et président d’une conférence pour la lutte contre le réchauffement climatique. Une “double casquette” qui pose question selon le journal Le Monde. Ahmed al-Jaber devra donc faire volte-face, défendre les énergies renouvelables et négocier des mesures fortes pour lutter contre le dérèglement climatique. 


Une nomination posant un sérieux problème de crédibilité au processus onusien.


Pour la première fois de l’histoire des conférences de l’ONU, ce président d’un groupe pétrolier sera à la tête d’une COP et exercera une large part de responsabilité dans les négociations sur le climat. Une nomination assez contradictoire du fait du poste du sultan Ahmed al-Jaber et de la situation du pays. En effet, rappelons que les Emirats Arabes Unis est le sixième pays le plus émetteur de CO2 (22 tonnes/habitant) même si toutefois il s’était fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. 

De plus, lors de l’ouverture d’une conférence pétrolière en 2021, le président de Adnoc avait notamment insisté pour “investir 600 milliards de dollars tous les ans dans le pétrole jusqu’en 2030, pour satisfaire la demande énergétique mondiale" selon une information révélée par Le Monde

Les réactions ont été nombreuses face à cette nomination, provoquant même la colère de beaucoup sur les médias et réseaux sociaux. De nombreuses personnes ont réagi, tel que Marine Pouget, chargée des questions internationales à l'ONG Action réseau climat : “Cela nous a beaucoup déçus et nous sommes très inquiets du bon déroulement de cette COP. D'autant plus que la COP 28 devait être cruciale. Il s'agissait de la première ‘COP bilan mondiale', censée évaluer les engagements climatiques des pays."

Des prises de décisions rassurantes 


Face à ces nombreuses craintes vis-à -vis de cette décision par les défenseurs du climat, des solutions ont été envisagées par de nombreux acteurs. Parmi eux, l’ONG, qui appelle le sultan à signer une clause affirmant qu’il ne sera pas là pour représenter les intérêts privés de son entreprise pétrolière Adnoc durant son poste de président de la COP 28. 

Le 30 janvier, le président du sommet  a appelé à lutter contre le réchauffement climatique sans pour autant ralentir l’économie du pays. D’une part, il a affirmé que le pétrole brut restait indispensable à l’économie mondiale, d'autre part, il est nécessaire-selon lui-, de maintenir cette économie afin de financer la transition énergétique. Par cette démarche, le sultan souhaite concilier “progrès” et lutte contre le réchauffement climatique. Néanmoins, cela reste un “défi ambitieux” pour le géant pétrolier. Un défi qu’il a révélé le 14 janvier lors du forum sur l’énergie d’Abu Dhabi, capitale des Emirats. Ainsi, il a affirmé travailler “avec l’industrie énergétique pour accélérer la décarbonisation en réduisant le méthane et en développant l'hydrogène". 


Bien que Ahmed al-Jaber soit à la tête de cette entreprise pétrolière (à l’encontre des idées défendues par les défenseurs du climat), il ne faut pas oublier qu’il est également à la tête de l’entreprise émiratie des énergies renouvelables : Masdar. Cette entreprise a d’ailleurs entrepris le projet de construction d’une usine d’hydrogène vert aux Emirats arabes unis pour 2026, en collaboration avec le géant gazier allemand Uniper. 


En définitive, cette décision de nommer le géant pétrolier comme président de la COP 28 reste assez ambiguë. D’un côté, les défenseurs du climat sont effrayés par cette décision de nommer un géant pétrolier comme président d’une COP. Mais de l’autre, peut-être que ce politique sera apte à faire changer les choses, et à passer outre les intérêts économiques de son entreprise. Il nous est donc difficile d’affirmer si cette nomination mettra en péril la lutte contre le réchauffement climatique ; ou si au contraire il sera possible de concilier “intérêts économiques” avec “protection environnementale”.



Sources : 


Libération, COP 28 et Géant pétrolier, https://www.liberation.fr/environnement/cop-28-et-geant-petrolier-cherchez-lerreur-20230112_7SNZOAITBFCHJOX4HQFK7FMB2U/, page consultée le 29/01/2023


CNEWS


Le Monde, Climat : Sultan Al Jaber, le PDG d’une compagnie pétrolière émirati, désigné comme président de la COP28 à Dubaï, https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/12/climat-sultan-al-jaber-le-pdg-d-une-compagnie-petroliere-emirati-designe-comme-president-de-la-cop28-a-dubai_6157542_3244.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1673506380, page consultée le 16/01/2023

France Info, https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/climat-la-cop28-sera-presidee-par-le-pdg-de-la-compagnie-petroliere-des-emirats-arabes-unis_5598068.html, page consultée le 18/01/2023 // Propos de l’agence de presse officielle WAM // Citations de la géographe et spécialiste des innondations Magali Reghazza 

France24, https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230112-cop28-des-%C3%A9mirats-arabes-unis-pris-dans-leurs-contradictions-sur-le-climat, page consultée le 18/01/2023 //

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